Déconfinés ?

par Bernard M.

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Premiers signes du déconfinement donc. Le plus minuscule et cependant significatif et tellement plaisant : sortir sans gribouiller son attestation ! C’est curieux tout de même comme on s’habitue. Lundi matin, en allant chercher ma baguette fraîche, j’avais l’impression qu’il me manquait quelque chose !

Les sorties ont été brèves. Quelle pluie toute la journée. J’ai fait un petit tour pour me dégourdir les jambes et la tête en fin d’après-midi, lorsque ça s’est un peu calmé. Pas grande activité. Mais il est vrai qu’on est lundi, jour où la plupart des boutiques sont fermées. Il n’y a que les coiffeurs qui étaient tous rouverts et au travail, on les comprend, ils doivent avoir des listes d’attente kilométriques. Pour ma part je vais garder ma tignasse…

Le soir l’atelier de poterie auquel va D. a repris. Elle était très contente d’y retourner et de remettre ses mains dans la glaise. Les participantes étaient en effectif réduit mais malgré tout il a été bien difficile, m’a-t-elle dit, de respecter complètement les gestes barrière dans une activité comme celle-là.

Côté cours de yoga, D. continue en ligne sur Zoom. La fédération à laquelle elle appartient décommande formellement la reprise en présentiel dans des espaces fermés. Il était question de faire dans la semaine un cours en extérieur chez une élève disposant d’une grande pelouse mais la terre est tellement saturée de flotte que ça ne sera pas possible malgré le très timide soleil qui semble revenir.

Mardi la reprise s’est faite un peu plus nette. Plus de monde sur la place. Plus de voitures surtout. Les chantiers du bâtiment n’ont pas repris à ma surprise. Lundi ça ne m’étonnait pas compte tenu des intempéries, hier, un peu plus calme côté ciel, c’était plus étonnant.

Nous avions quelques masques donnés par une voisine. D. s’y est mis de son côté et en a fabriqué deux qui me semblent très bien, mieux couvrants et sans espaces qui baillent sur les côtés. On n’en a pas besoin dans nos promenades quotidiennes où l’on reste très à distance mais il faut s’y habituer pour les courses, pour de premières rencontres amicales et surtout en prévision de l’utilisation de transports publics. Ils sont indispensables et je ne mets pas en cause leur usage. Mais quelle purge tout de même ! Je ne parle pas de la gêne qu’ils occasionnent, respiration entravée, chaleur, buée dans les lunettes. On va finir par s’habituer certainement. Je pense plutôt à ce que le masque fait de nous symboliquement, des sortes de zombies, des fantômes dépersonnalisés. Certes il y a les yeux mais j’ai remarqué aussi qu’on avait tendance, même avec le masque, à se croiser un peu de côté en détournant le regard, comme si on s’évitait. Confinés en soi-même. Masqués, c’est comme une autre façon d’être voilés… Comme si les islamistes avaient gagné !

Atelier masque domestique, la vieille machine à coudre si peu utilisée
et ressortie pour l’occasion, le tuto sur l’ordi et la pile des bouquins d’enfant
à raconter pour les Skype avec le petit bonhomme…

Pour nous c’est la fin de la limite des 100 km qui sera l’enjeu véritable. Non que nous ayons envie de nous précipiter à Paris. Mais nous voudrions pouvoir accueillir notre famille. Ils en ont tellement besoin. Les enfants n’en peuvent plus de télétravailler avec leurs petits en permanence à la maison. Et ils ne sont pas prioritaires pour la reprise de la crèche. Et mon père aussi aurait besoin de bouger. Comme cela lui ferait du bien de se retrouver dans un lieu où il pourrait reprendre une certaine activité physique, bénéficier de notre présence et des stimulations intellectuelles qu’on pourrait lui apporter (discussions, parties de scrabble, visionnage de films et de photos). Resterait à voir comment faire voyager un monsieur de quatre-vingt-quinze ans dans le contexte actuel.

Et on ne parle guère de cet élargissement géographique pour l’instant. Je me disais que le 2 juin marquerait sans doute l’ouverture de cette possibilité. Rien n’est dit en ce sens. L’aide intergénérationnelle qui nous semble si naturelle n’est pas mise en avant et, au contraire, on nous bassine avec les risques qu’il y a pour les déjà vieux que nous sommes à s’occuper des petits-enfants. Et évidemment il y a aussi le risque de déplacement depuis la zone rouge et donc de personnes plus susceptibles d’être des porteurs sains du virus. C’est là que peut-être des tests préalables auraient un sens pour vérifier avant départ qu’ils ne sont pas contaminés. Mais tout ça est terriblement compliqué. À aucun des problèmes qui se posent il n’y a de solution parfaite et claire.

D’une certaine façon c’était plus simple pendant le grand confinement, la marge d’interprétation individuelle étant très réduite. Nous avons quant à nous interprété les consignes de façon souple, mais ce n’est pas parce qu’on allait se balader tous les jours ou parce qu’on fréquentait quotidiennement nos petits commerçants plutôt que de faire un plein unique au supermarché qu’on aggravait les risques.

Là c’est différent. Que faire, que ne pas faire ? C’est cela qui est difficile et stressant dans cette période. Il faut sans cesse arbitrer, essayer de trouver le juste équilibre entre précautions à prendre et risques inévitables. Et cela sans bornes temporaires précises. Ce n’est pas une question de semaines. Une question de mois ? L’introuvable retour à la « normale »…

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(13 mai, 11 heures)