Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vivre confinés
13 mai 2020

Partir ou rester ? (2)

 

par Valérie-Anne W.



(suite)
Toujours la même question martèle mes tympans : comment a-t-on pu en arriver là à notre époque ? Les anciens que j’ai interrogés ne se souviennent pas des fameuses épidémies évoquées par certains journaux. Toutefois, ils disent qu’en ayant connu la guerre « là, c’est encore pire » ! Cela m’interpelle pour une raison personnelle, je venais de terminer de saisir le récit autobiographique de ma mère et lui demandais de trouver une chute pour clore trente années de souvenirs, juste une phrase… Je me sentais pressée d’en finir, j’avais l’intuition bizarre que le temps était compté, nous étions alors mi-février. Je proposais à ma mère d’écrire par exemple qu’elle ne saurait pas ce qui adviendrait des années à venir - depuis son mariage et ma naissance - mais que son souhait le plus cher serait que je ne connaisse pas de guerre. La période de guerre qu’elle avait décrite m’avait marquée, j’avais du mal à m’en défaire. Je n’imaginais pas que quelques jours plus tard, j’aurais le malheur de connaître un autre type de guerre, car c’en était bien une !

Les pinceaux n'ont pas bougé, la palette a des couleurs séchées et craquelées, la feuille au grain fin et satinée reste vierge. Pour créer, il faut imaginer, (se) projeter, autant dire vouloir escalader un mur badigeonné de savon. 

Faute de futur, je suis allée faire un petit tour du côté de mes ancêtres, se frotter à l'Histoire en déchiffrant la paléographie m’a permis d’atteindre la douzième génération de la lignée maternelle ! 

 

BLOG 5

 

Les jours se suivent et se ressemblent étrangement. L’heure n’est pas à anticiper, trop d’interrogations se télescopent dans mon esprit. Le temps viendra.

La période de confinement se prolonge, et nous devons observer toutes les directives qui nous permettront de voir au plus tôt une issue favorable à ce contexte exceptionnel. Manifestement, tout le monde ne le comprend pas de la même manière… Certains crient à une atteinte à la liberté ! Moi, je me réjouis de cette preuve de bon sens qui va aider à nous protéger et éviter la propagation du virus.

Afin de briser la routine qui s’impose au fil de jours et d’offrir un moment d’évasion et de partage à mes « relations de plume », je propose des ateliers d’écriture en ligne. C’est un plaisir de pouvoir continuer à échanger en lisant les textes des participants. La porte est ouverte pour de nouveaux écrits, les pistes sont nombreuses, l’idée du premier atelier invite à redécouvrir les choses qui nous entourent, ou des personnes tout simplement avec lesquelles les liens se seront resserrés. Cette drôle de période est propice aux retrouvailles par SMS, par email, par téléphone. Des anciennes relations amicales et professionnelles refont surface, des membres de la famille avec qui le fil était distendu reprennent contact, on s’envoie des photos. On pense à se souhaiter fêtes et anniversaires, on évoque des traditions familiales comme le Dyngus de Pâques.

 

BLOG 6

 

Le peuple voulait une date ? Il l’a eue, objectif le 11 mai... ce jour-là ne sera pour moi que la veille du 12 et le lendemain du 10, je ne l’imagine pas autrement, faute d’en savoir plus.

Depuis deux mois, passés si vite que j’ai l’impression d’être arrivée hier, j’ai observé la plus belle saison de mon jardin, les oiseaux affairés à construire leurs nids, l’arrivée des hirondelles, la couvée de colverts puis les canetons s’ébattant sur la mare les œufs à peine éclos, le coucou, les mésanges, les chardonnerets, les pinsons, les merles et les grives.

Un matin, le fermier a amené les vaches dans les prairies, la belle saison était là.

J’ai pu admirer la succession de toutes les floraisons : crocus, narcisses, tulipes, iris, lupins. Ah les premières clochettes de muguet ! Depuis quelques jours, les roses anciennes embaument et se mêlent aux derniers effluves parfumés des lilas. Les arbres nus et frêles se sont revêtus petit à petit de leur parure de feuilles dans tous les tons de verts. J’ai eu le bonheur de voir mon jardin se réveiller et se transformer au fil du printemps.        

Et parce qu’il fallait éviter de trop penser à l’impensable, j’ai ressorti l’énorme volume de La Recherche concentré sur deux mille quatre cents et quelques pages et pesant près de deux kilos. Après l’avoir disséqué en sept tomes pour plus de maniabilité, je suis entrée dans l’univers de Proust, émerveillée à chaque page par sa poésie, ses tournures de phrases, son humour subtil. Je marche en ses pas de Combray à Balbec et je m’évade avec ses personnages dans un autre temps, celui de la magie de sa plume. Je suis tombée amoureuse de l’auteur du plus beau chef d’œuvre de la littérature française !

Ce monde à l’arrêt, angoissant et silencieux, appelle à plus d’authenticité. Que sera demain ? Parlerons-nous d’un avant et d’un après ? Adopterons-nous de nouveaux gestes, de nouvelles façons de vivre en société, serons-nous plus attentifs à l’hygiène, changerons-nous nos agissements en matière de consommation ? La leçon est dure mais elle permet de constater qu’il ne faut plus produire hors de nos frontières pour relancer l’économie de notre pays. Nous avons la chance d’avoir un savoir-faire exceptionnel dans beaucoup de domaines qui ne demande qu’à refaire surface. Désormais, je regarderai encore plus attentivement les étiquettes et le lieu de fabrication.

Le 11 mai, c’est demain, je ne me déconfinerai pas. Je préfère attendre encore un peu. L’ombre de la deuxième vague inéluctable menace.

Peur de me prendre la réalité à la figure, et si je l’avouais… peur de retrouver la pollution, les lieux saturés de monde, le train bondé, la puanteur du gas-oil, les cris, les bousculades, la promiscuité dans les transports, la saleté, le virus invisible…

Je ne m’imagine pas, comme les flots d’Asiatiques déversés par les cars touristiques sur la Place de l’Etoile, vivre affublée d’un masque cachant les lèvres, ce qu’il y a de plus sensuel dans un visage et sans lesquelles les baisers n’existeraient pas.


(Dimanche 10 mai 2020)

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Vivre confinés
  • Blog à vocation temporaire créé par l'Association pour l'autobiographie (APA) pour accueillir vos témoignages au jour le jour en ce temps du "vivre confinés". http://autobiographie.sitapa.org
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Comment contribuer à ce blog

Adresser votre texte (saisi en word, sans mise en page, en PJ à votre mail) à l'adresse :

apablog@yahoo.com

- Envoyez si possible une image (séparément du texte)

- Précisez sous quel nom d'auteur il doit être publié

- Il est préférable que le texte ne soit pas trop long... pour en rendre la lecture plus aisée

L'activité de ce blog a pris fin le 1er juin 2020. Il reste néanmoins disponible à la consultation.

Newsletter
Archives
Vivre confinés
Publicité