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Vivre confinés
30 avril 2020

La vie réduite

 

par Madeleine


À mesure que le cercle de mes déplacements se réduit, je regarde ce qui est proche et auquel je ne prêtais plus attention : le quartier avec les bâtiments très divers de la Cité universitaire et ses beaux arbres en fleurs et en pollen, des fleurs merveilleuses que je tente de photographier, mon appareil photo m’accompagne comme lorsque je visite des lieux nouveaux. Le boulevard si calme, le tram presque vide. Au balcon le plus proche le soir à 20h pour les applaudissements, une rencontre : une voisine jusque-là inconnue, on échange nos adresses mails, elle m’envoie une photo qu’elle a prise l’an dernier de  ses « trois amis, trois jeunes loups » du Wolf Conservation Center qu’a créé la pianiste Hélène Grimaud aux États-Unis.

Les voix entendues à la radio, toute cette effervescence d’analyses de la situation, du point de vue scientifique et médical, écologique, social, politique… Va-t-on avoir la capacité de créer les conditions d’une vie plus humaine, plus écologique et solidaire comme tant de gens le souhaitent et va-t-on enfin cesser de détruire les biens qui n’auraient jamais dû être « marchandisés », va-t-on comprendre que la vie est fragile, qu’il ne faut pas toucher aux équilibres des écosystèmes et qu’il faut préserver la biodiversité indispensable à la survie de l’homo sapiens ?

Le bouillonnement de questions sur la société que l’on souhaite se heurte à tant et tant d’énormes intérêts immédiats et aveugles que c’en est désespérant. Je me souviens avoir lu des réflexions d’Albert Einstein qui disait que toute inégalité sociale lui paraissait complètement injustifiée. Tous ceux qui ont essayé de changer quelque chose à ces inégalités nées de la propriété - « la propriété, c’est le vol » a dit Proudhon - se sont heurtés à des forces plus puissantes. Comment empêcher Bolsonaro de détruire la forêt amazonienne ? J’ai vu à la télévision qu’un Brésilien de la forêt chante tout seul avec son accordéon pour s’opposer à ses actions dévastatrices. La photographe Claudia Andujar consacre également la dernière partie de sa vie à la défense des droits des Indiens Yanomani et de la forêt qu’ils habitent : ils n’en sont pas propriétaires, ils ont un rapport très différent du nôtre à la terre, ils l’habitent.

Avant eux, il y a eu Frans Krajcberg, sculpteur d’origine polonaise et juive, dont la famille avait péri dans la Shoah et qui n’avait pas pu rentrer en Pologne après la guerre (parce que juif), alors qu’il s’était engagé dans l’armée polonaise pour libérer son pays. Pour sublimer sa souffrance dans l'expression artistique, il fréquente un temps le cours tout juste ré-ouvert d’un des artistes du Bauhaus. Hébergé quelques mois à Paris, chez Chagall, il s'embarque sur son conseil pour le Brésil. En 1952, il s’installe dans l’État du Paraná comme ingénieur dans une fabrique de papier, et se consacre à la création d'œuvres en céramique. Il vit en pleine forêt, dans une maison en bois, « loin de la barbarie des hommes », mais la culture extensive du café conduit les exploitants à brûler de grandes surfaces boisées. Sa maison est détruite dans un incendie, et il perd à  nouveau tout ce qu’il a. Il part pour Rio de Janeiro, où il peint, partageant son atelier avec le sculpteur Franz Weissmann. Tous deux sont sélectionnés pour la Biennale de Sao Paulo et Krajcberg reçoit le prix du meilleur peintre brésilien en 1957.

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 Oeuvre de Frans Krajcberg, image Artshebdomédias

Après quelques années à Paris, il retourne au Brésil en 1964, s'installe dans l'État du Minas Gerais, et commence à sculpter à partir de troncs d’arbres morts pour leur redonner vie. En 1965, c’est au sud de Bahia, séduit par une nature intacte, la forêt primitive, les palétuviers et la simplicité des pêcheurs de crevettes, que Krajcberg s'installe. Il construit sa maison dans un arbre, une grande cabane à dix mètres au-dessus du sol, « où pour la première fois de ma vie, à cinquante ans, je me suis enfin senti chez moi ».  Il voyage aussi en Amazonie, au Mato Grosso, et découvre les ravages de la déforestation contre laquelle il ne cessera de témoigner en multipliant ses photographies et l'utilisation systématique des racines et des troncs brûlés, qui sont désormais au centre de son œuvre. Dès 1978, Krajcberg lançait le « Manifeste du naturalisme intégral" ou "Manifeste du Rio Negro » à la suite de son voyage en Amazonie avec le critique d’art Pierre Restany et le peintre Sepp Baenderenck, dont ils sortirent révoltés contre la destruction organisée de la forêt et des Indiens qui la peuplent.

En 2003, l'Espace Krajcberg (au 21, avenue du Maine, 75015 Paris) ouvre ses portes et présente aux visiteurs la donation de ses œuvres à la ville de Paris. L'Espace Krajcberg initie une importante réflexion sur le rôle de l'art dans le combat de survie écologique.

Une visite pour l’ « après » !

 

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Commentaires
B
Ah oui Krajsberg c'est impressionnant. Je me souviens d'une expo il y a déjà pas mal d'années dans les jardins de Bagatelle. On voit des dizaines et des dizaines d'expos dont beaucoup s'effacent de nos mémoires, pas celle-ci qui reste très présente en moi.
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