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Vivre confinés
30 avril 2020

Le drive : la panacée ?

 

par Anne Poiré


Comme ça fait chic ! Ce midi, je sors. Jusqu’à ce jour, depuis mi-mars, nous avons réussi à éviter les courses, sauf une fois la pharmacie, et une livraison gigantesque de surgelés – à domicile - le mois dernier. J’ai d’ailleurs – un exploit – réussi à perdre 4 kilos en quelques semaines. Certes, cela ne me fait pas de mal : j’ai su tirer profit du confinement, finalement.

Le manque commence néanmoins à se faire sentir. Placards et réfrigérateur s’avèrent vides, ou presque. Je vais revenir avec des œufs, des fruits et légumes frais, des yaourts, du chocolat... La liste est longue. Quelle fête ! J’irai déposer à la banque des chèques en souffrance, j’ai commandé à notre boulangerie-pâtisserie des gâteaux et du pain à congeler, je ferai le plein d’essence et je compte aussi me rendre à la pharmacie, puisqu’on ne peut obtenir la pilule pour plus d’un mois, même en cette période exceptionnelle... Bref, je rentabilise ma sortie ! Pour résumer l’avant, il me faut surtout mettre l’accent sur cet extrême plaisir visuel et imaginaire, d’anticipation, de la commande : avec Patrick, nous avons passé un merveilleux moment à préparer ces achats inhabituels. Tout en faisant défiler sur écran des fraises, des fromages, des douceurs, nous salivons et cliquons, cliquons, cliquons. « Ah non, dommage : pas plus de trois paquets de biscuits, le magasin nous limite ! »

 

légumes drive


14 heures, ce même jour. L’après. En chemin, je croise des gendarmes, occupés, sur le bord de la route, à rire et baguenauder, sans masque, avec un individu du village, tous trois aussi proches que s’ils jouaient à la pétanque. Ces messieurs ne surveillent rien ni personne, et surtout pas leur propre comportement. Quand j’apprendrai qu’un nouveau militaire est mort des suites du Covid-19, je ne m’étonnerai pas : si l’uniforme préservait à lui seul du virus, cela se saurait.

Revenons à ce fameux « drive »... Ce choc ! Petite ville, magasin en conséquence. Je peux me garer juste en face des portes vitrées par lesquelles on va me livrer : chouette ! J’observe, installés devant cette ouverture, des vélos à vendre, près de tables estivales et autres achats possibles. Une femme, le masque glissé entre le dessous du menton et le haut du buste, s’active à parler de très très près à quelqu’un que j’imagine être son ami. En m’approchant, je vois que le monsieur porte un badge.

« Pour le drive, s’il vous plaît ? » Eh oui, je manque d’expérience. Le vendeur m’indique le vantail situé juste derrière lui. Pour l’atteindre, il faudrait que cette dame et lui-même acceptent de se pousser. Je fais fi de mes peurs et me glisse, en rentrant le ventre, derrière eux, à une distance absolument pas conforme.

À l’intérieur, une vendeuse m’indique : « Attendez là. Je vais préparer vos sacs. » Je piétine donc, et suis effarée par cette dame âgée qui s’approche de la zone où je fais le pied de grue, puis de cette autre, qui se poste derrière moi. Au sol, ont été dessinés tous les mètres des traits, afin de matérialiser les distances. Cette personne – masquée et gantée - dépasse allègrement la ligne, de plus de la moitié, et se retrouve quasi contre mon dos. Je ne peux plus avancer, coincée par le haut comptoir, et, sur le côté, par la vieille dame. Entrent dans le magasin l’acheteuse de vélo, qui m’enserre sur la gauche également, le vendeur, et la bicyclette. Pourquoi ont-ils choisi ce périmètre, de moins de deux mètres carrés ? J’envisage de repartir en courant, mais, lâchement, je patiente, le cœur emballé.

Lorsque la vendeuse revient enfin, poussant un lourd chariot chargé de victuailles, toutes mes acquisitions, elle fait mine de passer par là. Non, elle s’arrête d’abord, tripote toutes les feuilles sorties de l’imprimante, résumant ces achats. Puis elle nettoie machinalement ses mains avec du gel hydro-alcoolique. Elle me tend alors un stylo : « Vous voulez bien signer ? » Je dois m’allonger quasiment sur cet espace encombré, peu net, entre elle et moi, touchant de mon bras nu le contreplaqué usé, pour pouvoir apposer ma griffe. Je peux enfin filer vers la sortie. Pas assez vite pour ne pas voir la vendeuse qui tente de se glisser malgré la présence du vélo, de la vieille dame, de l’acheteuse, du vendeur, dans cet espace d’à peine un mètre de large, entre la caisse et l’endroit où je me suis craintivement morfondue. Comprenant qu’elle ne passera pas, elle fait un détour de quelques mètres, par la deuxième caisse, sur sa droite, et là, en ressortant, elle heurte la dame qui paie ses courses, ainsi que son chariot.

Ça fait visiblement beaucoup plus élégant d’énoncer « J’ai fait un drive », que « Je vais m’occuper du ravitaillement ». Pour mes commissions, j’ai fait un bon choix : ce n’était pas une heure de pointe. Tranquille, le magasin semblait dans l’ensemble plutôt endormi, à part en cet endroit précis. Je ne vous raconte pas le chargement, dans la voiture, et ma fuite effrayée. La prochaine fois, dans cinq ou six semaines, sept, huit, plus, si c’est possible, je tenterai l’autre supermarché. Le drive y est peut-être plus sécurisé ?

 

 

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