Grosse colère et dérivation
par Renée A.
D’habitude, j’hésite à exprimer ma colère. Je la retiens, je la garde, je la dérive. Comme un torrent d’énervement qui ravagerait tout sur son passage.
Hier, pourtant, je ne l’ai pas retenue. Étant, une fois de plus, sur mon cher réseau social, j’ai vu une photo de jeune femme portant un masque de tissu matelassé, montant jusqu’aux yeux. La légende était à peu près : c’est tous des cons, on nous prend pour des cons. La mairie de Lyon nous fournit des serpillères. Dans une autre publication, il y avait un produit ménager pour l’entretien des sols carrelés, et, dans des pochettes transparentes, les mêmes masques, blancs et rouges.
Mon sang de navet n’a fait qu’un tour. Impossible de commenter sur ce groupe sans en être membre. Je demande à adhérer. Pour adhérer, il faut accepter la Loi du Groupe : aimer ce groupe, aimer les gens qui en font partie, aimer leurs valeurs.
Une fois admise, j’écris un petit billet, pour expliquer que j’ai passé plusieurs heures à découper ces masques, avec d’autres bénévoles, qu’ils sont sûrs, même si leur esthétique laisse à désirer. En outre je demande comme : « amies FB » deux des personnes qui ont posté les photos : le portrait masqué et la serpillère.
Dans les minutes qui suivent, je vois mon billet supprimé, avec un « commentaire de l’administrateur », et un autre message, venant de quelqu’un d’autre, positif cette fois, me disant : il ne faut pas dénigrer les masques sans avoir lu la façon de les utiliser, je transfère votre billet, mais… il a été supprimé.
J’ai quitté le groupe «X… quartier solidaire ».
Changé ma photo de profil et remplacé les fleurettes camarguaises par une vue de Lyon sur Saône.
Mis à la poubelle des milliers d’images sur mon téléphone.
Ça vaut mieux que de se ruiner la santé, n’est-ce pas ? et tout à l’heure, je retourne pour plier des papiers fournis par la mairie et mettre les masques sous pochettes transparentes.
"rouge de la colère, et dérivation par le fuseau… musée antique"
(12 mai 2020)