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Vivre confinés
11 mai 2020

Soirées télé

par Bernard M.


 

Jamais nous n’avons autant regardé la télé que pendant ce confinement !

C’est d’une régularité métronomique. Tous les soirs vers 21heures et jusque vers 23 heures, 23 heures trente, selon ce qu’on regarde, on se colle devant la télé.

On entre dans une bulle dans la bulle. On met de côté tous les bruits et toutes les agitations du jour. On éteint les téléphones, les gens laisseront des messages si besoin. On se cale sur notre canapé, on se prend chacun une couverture légère car, à la longue, dans l’immobilité, on se rafraichit, puis on lance notre programme…

On a l’impression de se reposer des écrans. Oui, la phrase paradoxale m’est venue comme ça ! Les écrans dont on est fatigué ce sont ceux des ordinateurs, ceux des téléphones, ces écrans à trente centimètres de nos yeux, sur lesquels on est actif, par le biais desquels on lit, on écrit, on communique, sur lesquels on est en interaction permanente, dans le bruit d’internet, dans le zapping incessant, au milieu des sollicitations en tout genre auxquelles il faut savoir résister depuis la vidéo, certes intéressante envoyée par un ami, jusqu’à ces photos ou ces blagues de plus ou moins bon goût qui sont censées nous faire mieux supporter notre confinement et qui maintenant m’exaspèrent.

L’écran de télé, lui est « loin », enfin, à cinq mètres de nous ! Surtout il ne sollicite aucune interaction, les images défilent, elles requièrent notre attention mais pas notre action. Il n’y a qu’à se laisser porter. Quel repos !

On fait feu de tout bois. On a regardé Les Visiteurs et même un vendredi soir, on s’est fait une soirée Koh Lanta. Un peu de mal à comprendre les règles de l’affaire et on n’a pas cherché à approfondir mais enfin on s’en est amusé un moment, expérience assez éloignée de nos habituels programmes d’intellos bobos !

Surtout on a vu ou revu beaucoup de films. J’ai découvert à cette occasion les ressources d’Arte TV. Je me suis aperçu que sur le site les programmes restaient bien plus longtemps que les habituels sept jours de replay sur la télévision. Certains films sont là pour six mois. Il suffit de brancher l’ordi sur l’écran de télé pour pouvoir visualiser sur le grand écran. J’ai noté leur titre et des appréciations lapidaires sur le fichier Memento que je tiens par ailleurs et où je note livres lus et films, spectacles ou expos vus. J’aime parfois prolonger la vision de certains films par une exploration critique ou par des lectures : ainsi ai-je mis le nez dans le concept de persona chez Jung après avoir vu le Persona de Bergman, film puissant mais très déroutant, ou bien ai-je ressorti mes Balzac pour relire (ou lire, je ne sais plus) La Duchesse de Langeais, après avoir vu Ne touchez pas la hache de Rivette, film que je ne connaissais pas (et que d’ailleurs je n’ai pas aimé, trop long, répétitif, aux acteurs peu convaincants).

On a également vu quelques intéressantes mini-séries mais qui nous ont laissé quand même assez dubitatifs. La meilleure : Dix petits nègres. On en a apprécié l’ambiance, l’excellente construction, le jeu très british des acteurs, avant de trouver un peu lourds les effets sonores et visuels par trop appuyés. Les Dérapages, avec un Éric Cantona en chômeur au bout du rouleau mais néanmoins machiavélique et incroyablement maître de lui au-delà de ses colères et coups de gueule, nous ont paru peu crédibles et les discours sur l’état de la société un peu trop lourdement idéologiques. Mais le climax de l’affaire, le troisième épisode, qui raconte la prise d’otage dans la prise d’otage, est formidablement mené et d’une rare intensité dramatique. Enfin j’ai été carrément déçu par l’Agent immobilier avec un Amalric qui en fait trop et une histoire par trop déjantée même s’il y a quelques belles idées de mise en scène et quelques scènes émouvantes notamment vers la fin.

Mais ce sont surtout quelques remarquables programmes documentaires qui nous ont accrochés.

J’avais trouvé excellent un ensemble sur l’histoire récente de l’Afghanistan que je crois avoir déjà évoqué dans ces pages. Excellent aussi un film sur Freud, très éloigné d’un classique biopic, un ensemble d’images d’archives sur lesquelles on entendait des textes extraits de livres ou de correspondances de Freud et de ses proches, qui, à défaut d’être très explicatif, recréait admirablement climat et ambiance de l’époque. J’ai beaucoup aimé aussi le film Brassens par Brassens, là aussi atypique, basé non pas, comme c’est l’habitude dans les films hommages, sur des témoignages de proches plus ou moins lourdement hagiographiques, mais sur des archives personnelles et sur les films amateur pris par Brassens lui-même, avec un commentaire en voix off lu par Sandrine Kiberlain.

Enfin, avant-hier et hier, nous avons regardé le remarquable Journal d’une capitale, Berlin 1945. Basé sur de nombreuses archives visuelles et sur la lecture de témoignages extrêmement divers, le document suit quasiment au jour le jour tant les événements que la vie quotidienne de la population. Il souligne combien sont précieux pour l’histoire ces témoignages autobiographiques des personnes ordinaires à la collecte desquels se consacre l’APA. Le film m’a aussi rappelé très fort le magnifique journal Une femme à Berlin que j’avais lu justement dans cette ville il y a quelques années et que j’ai ressorti lui aussi. En lisant ce livre et en voyant ce film on relativise sérieusement notre actuelle crise épidémique ! Et on pense aussi à d’autres lieux qui, dans les années récentes, ont connu des situations similaires. Et je repense alors à la Syrie, si loin, si proche, et au film admirable Pour Sama, un des films de 2019 qui m’a le plus bouleversé.

 

Capture3

 

Il pleut depuis le début de l’après-midi et pas qu’un peu. On n’a pas fait notre habituelle promenade. Ce qui a valu à Vivre confinés cette longue (trop ?) chronique. Et il paraît que ce sera pire demain. Les Dieux apparemment ne sont pas avec le déconfinement. Ou plutôt si. Le mauvais temps va inciter les gens qui n’ont pas vraiment besoin de sortir à ne pas trop se précipiter dehors !


 (dimanche 10 mai, veille de déconfinement (?), 19 heures)

 

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Commentaires
R
j'habitais dans la partie anglaise, à Schöneberg… et travaillais à Wedding
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R
Comme votre fils maintenant, j'ai vécu à Berlin, et les deux films d'Arte m'ont bouleversée. J'habitais dans le secteur français, bien avant la chute du Mur. Pour aller dans la zone Est, il fallait juste rester une journée, et rentrer le soir. Difficile de rester insensible à la douleur de la population qui a vécu la destruction de sa ville de cette manière-là, et pourtant elle n'est pas la seule… hélas. Merci de vos textes et de vos bouquets sur ce blog éphémère...
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