Pissenlits, polenta et gourmandise

par Anne Poiré

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Comment survivre durant six semaines sans faire de courses ? Comme Patrick est plus friand que moi de pain, j’ai très vite remplacé mon petit déjeuner par quelques cuillérées de riz, ou de couscous, agrémentées de confiture. Adaptation... Comment dit Picasso, quand on n’a plus de rouge, on prend du vert !

Rapidement, je n’ai plus eu d’œufs, pas de farine, mais il me restait du beurre, qui risquait de rancir, ayant passé la date de péremption : j’ai inventé le meilleur des gâteaux - en toute modestie - en ouvrant le garde-manger et en extrayant polenta, petites graines de lin, de tournesol, de courge, et autre compote de pêches, par exemple. Nous n’avons plus eu de yaourts, alors qu’en principe nous en mangeons chaque matin. Il a suffi de changer les habitudes alimentaires. La sauce tomate a remplacé la mayonnaise. Avec des châtaignes sous vide, j’ai composé de délicieux desserts. Le chocolat a commencé à manquer, nous avons veillé à ne pas en abuser, pour qu’il en reste, en cas d’urgence absolue.

En réalité, j’ai souvent repensé ces jours-ci à ce petit classeur, défraîchi, aux pages jaunissantes, recouvertes d’une écriture minuscule quasi illisible, que maman conservait précieusement, quand j’étais enfant. L’a-t-elle toujours ? C’était le cahier de recettes de sa maman, ma grand-mère Fernande (Reibel-Bolzinger) : pendant la seconde guerre mondiale, elle a appris à cuisiner avec « rien », ou peut-être quelques topinambours. Là, je me sens – je suis ! - riche. Si je le désire, il suffit que je monte dans ma voiture. Tout est à portée de magasins. Fausse pénurie. C’est moi qui choisis de ne pas sortir.

Pour une fois, j’ai appris à liquider vraiment les stocks. J’ai eu plaisir à découvrir du gingembre moulu, par exemple – acheté quand, dans quel but ? -, pour agrémenter mes recettes inventées. Alors que nous pensions avoir épuisé tous nos trésors sucrés, soudain une boîte de biscuits italiens a jailli, comme si elle s’était cachée jusque-là, pour n’apparaître, magicienne, qu’au moment décisif où nous saurions l’apprécier. Franchement, je trouve que ces semaines durant lesquelles nous avons exploré nos possibilités se sont révélées gourmandes, imprévisibles, intéressantes : nous avons associé des saveurs inhabituelles, au gré de ce que je trouvais entre le congélateur, le réfrigérateur et notre placard. Jamais ces trois espaces ne se sont autant vidés, mais finalement, nous y avons gagné en qualité, à mélanger un plat tout préparé Thiriet et du riz blanc, le tout associé à une boîte de maïs, ou quelques sardines, dont j’ignorais que nous avions le bonheur d’en posséder encore.

Jolie expérience, faite de découvertes et redécouvertes. Nous n’avions plus de fruits et légumes frais ? Notre jardin se couvrant de pissenlits, en cet ensoleillé printemps, nous avons eu droit à une salade bien tendre. La menthe fraîche commence à se laisser cueillir. Bientôt nous aurons des fraises des bois, et des baies d’amélanchier, aussi, si les oiseaux ne nous les disputent pas.

Survivre avec moins ? Avec tout... De bonnes surprises en gourmandises, nous ne manquons vraiment de rien.

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(Jeudi 30 avril et vendredi 1^er mai 2020)

Comments

[The Pedestrian]

Sourions : on peut être décroissant ... et préférer les chocolats !