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Vivre confinés
25 mars 2020

Elle est partie hier


Elle est partie hier… son prénom commençait par Ann.


Hier, ma dernière tante est partie pour l’au-delà.

Les sms, c’est bien, discrets, efficaces. J’ai reçu le message à la fin du déjeuner. J’ai rappelé. Ma dernière cousine, ma dernière tante. J’ai écouté, surtout écouté. Parlé aussi.

Non, ce n’est pas vraiment ma dernière cousine, c’est ma dernière cousine germaine. On s’entend bien toutes les deux, on se voit peu, mais parfois on s’écrit, on s’appelle. Pour des histoires de famille. Des histoires dont on a manqué, les belles histoires nous ont manqué, vraiment. On les recherche, dans le passé, mais le passé nous échappe. Le présent file à toute vitesse.

Maintenant, nous sommes grand’mères, l’une et l’autre.

On se ressemble, en fait, à l’intérieur, pas physiquement, on a un peu quelque chose du même cœur, à l’intérieur. Je crois que notre grand-mère commune lui manque aussi.

Elle est partie, pas hier…  Son prénom commençait par Ame…

On habite parfois très près du plus grand hôpital public de la région Rhône-Alpes-Auvergne, mais on ne peut pas s’y rendre librement, parce qu’on est confiné pour des raisons sanitaires. Le 24 mars 2020, je me serais bien rendue à l’hôpital qu’on appelait autrefois Grange Blanche, et qui est nommé maintenant HEH (Hôpital Edouard Herriot), mais…

thumbnail hopital HEH

L'Hôpital Edouard Herriot

J’y serais bien allée, avant qu’elle n’exhale son dernier souffle, puisqu’elle était à quelques centaines de mètres de chez nous. Je serais allée lui faire un sourire, lui tenir la main. Oui, à quelques mètres. Il m’aurait suffi de quitter la maison, de traverser une rue, d’entrer dans l’enceinte de l’hôpital, de passer entre les pavillons de Tony Garnier, j’aurais repensé aux visites rendues à des amis, à des proches, j’aurais atteint peut-être les urgences où elle venait d’arriver, j’aurais pénétré timidement le service hospitalier où elle était à l’abri, j’aurais demandé le numéro de la chambre, timidement, en m’adressant à une femme en blanc, près d’un chariot, dans le couloir, j’aurais frappé à la porte, mais sans attendre vraiment de réponse… j’aurais souri.

Tout cela n’a pu se faire. Quelques pas, de la porte au petit portail métallique, côté nord, c’est tout ce qu’on peut faire. Chez nous, retenus dedans par la menace. Il n’y aura pas de cérémonie. (Elle rejoindra celui qui a été déposé, tué par la grippe espagnole, après quatre ans de Grande Guerre.) (Comment Ame a-t-elle vécu le retour à Lyon de son jeune mari ? Des pauvres photos, je voyais surtout les longs voiles noirs, attachés au chapeau qu’Ame portait.)

 


Renée A., 25 mars 2020

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