Fatale gourmandise !
par Bernard M.
Pendant ce confinement on fait des économies, grâce à nos consommations réduites de bouquins, de cinés, de restos, de voyages à Paris ou ailleurs. Un seul poste s’est quelque peu envolé dans notre budget, celui des douceurs pâtissières. Presque chaque jour je rapporte pour l’un de nos deux repas des gâteaux, soit modestes gâteaux de boulangers, soit gâteaux plus sophistiqués provenant de la pâtisserie réputée de la ville.
Ce matin dimanche, j’ai acheté deux babas au rhum bien arrosés. Je venais de chez le marchand de légumes et je les ai donc posés bien délicatement et bien horizontalement sur le dessus de mon panier.
(image Atelier des chefs)
Mais quand j’ai posé le panier en arrivant à la maison, il s’est malencontreusement renversé. Vite je me précipite. Je sors le carton des babas, tout humidifié de jus, je sors les gâteaux du carton, les pose sur une assiette, les réarrose de ce que je peux récupérer de jus, les range au frigidaire… Puis, dans la foulée, je sors mes fruits et légumes, les tire de leur pochette individuelle, les range, qui au frigidaire, qui dans des paniers sur le plan de travail…
Et alors seulement je réalise !
S’il y a bien un geste barrière auquel je ne déroge pas c’est celui de me laver soigneusement les mains chaque fois que je rentre de l’extérieur.
Calamitas ! Pris dans l’urgence du sauvetage de mes babas, j’ai totalement zappé ce rite de notre nouveau temps ! Et j’ai touché depuis ce retour, et avant de prendre conscience de mon oubli, quantité d’objets du quotidien et diverses denrées que l’on avalera ces jours prochains. Et me voici imaginant le petit virus sautillant gaiement de mes mains à mes placards, à mon frigo, à mes assiettes et venant pour finir se régaler de mes babas. Bon, je souris, n’empêche je n’étais pas fier. Il ne se passera rien très certainement mais tout de même, coupable négligence…
Enfin, les babas étaient excellents.
On survivra à l’aventure.
Me revient le souvenir des "trumeaux" de Boris Vian et de leur mère, tellement inquiète pour eux qu’elle leur bâtit des protections de plus en plus délirantes. Je crois que c’est dans L’Arrache-cœur. Tiens je vais rechercher ce texte. Ce doit être un petit vaccin – à défaut d’un autre hautement précieux celui-ci mais encore à venir contre le virus lui-même – qui du moins peut nous protéger contre les excès de l’anxiété hygiéniste et qui nous rappelle avec l’humour délirant de Vian que vivre est, au final, un truc bigrement dangereux.
(dimanche 3 mai, 19 heures)