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Vivre confinés
3 mai 2020

Bienfaits de la solitude

 

par Marie-Dominique P.


 

Je m’étonne que tant de gens, ainsi que les médias, manifestent leur angoisse de la solitude et de l’enfermement (bien relatifs !). Ils ne parlent que de fuir cette situation par tous les remèdes possibles, même les pires, les plus dérisoires, les plus lamentables.

Comment supporteraient-ils la prison infligée à tant de coupables et d’innocents à travers le monde ? Pourraient-ils trouver là l’occasion d’y réfléchir ?

Les malades de longue durée, les ermites, les invalides survivent pourtant à un confinement sans limites. Ils en font un moyen d’approfondissement et y trouvent la sérénité, voire la créativité sans laquelle leur vie de prisonniers à vie ne pourrait continuer.

Ils ne sont pas dans la fuite et la gesticulation mais dans l’acceptation libre, dans la prise en charge personnelle, positive, de leur enfermement. Un malheur (s’il s’agit là d’un malheur !) accepté est toujours plus facile à vivre qu’un malheur refusé (en cette occurrence, vive le « lâcher prise » !)

Quant à la solitude : quel luxe ! Quelle merveille à préserver précieusement de toute tentative d’invasion extérieure ! Quelle richesse rare à défendre contre l’envahissement permanent du rien, des bavardages, du temps perdu à « communiquer » tant de vides et d’inepties qui constituent l’idéologie dominante.
Pensez, par exemple, à toute la publicité que vous n’êtes plus obligés d’absorber lors de vos sorties dans la rue (nos cerveaux en sont enfin « savonnés »).
Pensez à une solitude sans relations administratives, sans médias, sans bruits de fond et sans voitures, sans essence à respirer, sans préposés aux sondages frappant à votre porte.

Pensez au bonheur de se retrouver face à soi, au bilan de sa vie (on peut l’écrire), à ses projets silencieux, et de se rendre enfin fréquentable à soi-même !

Je pense à Séraphim de Sarov, staretz, ermite lumineux resté quarante ans seul dans la forêt dense appelée « le petit désert lointain » ou « le désert de Sarov », entre Sarov et Divéyevo. Isaac le Syrien, ermite lui aussi en d’autres temps, nous dit : « Le silence de l’impassible est prière. » État de prière : peu importe à qui ou à quoi elle est adressée.

 

Seraphim_of_Sarov

Séraphim de Sarov (1754-1833) - image Wikipedia


Je pense à Joë Bousquet, poète cloué à vie sur son lit par une blessure de guerre.

Et bien sûr, à Verlaine dans sa prison : « Le ciel est par-dessus le toit, si bleu, si calme » … 

Et à Pierre Jean Jouve : « La cellule de moi-même emplie d’étonnement »…

« Autour de ma chambre », « de ma fenêtre », « par-dessus le toit »… il y a tant à voir !

Quelle meilleure situation pour l’imagination que la privation de l’extérieur ? (celle que les mystiques appellent « privation des sens » qui permet d’atteindre le sublime innommable).
Chagall a peint un joli tableau rêveur nommé « Paris de ma fenêtre », où figure un couple qui flotte à l’horizontale dans un ciel coloré.

Et de Pascal, cette citation trop connue et si mal entendue : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre ». (Quiétiste, comme Madame Guyon ?) Apprécions au passage dans cette courte phrase la belle langue du XVIIe siècle. Prenons le temps de goûter les détails et le « ne savoir pas ». Apprenons…

Un virus nous met en prison. C’est toujours mieux qu’un hiver nucléaire qui pourrait bien nous advenir un jour ou l’autre, ou simplement un nouveau Tchernobyl !

Parce que là, même l’air de la chambre pourrait être irrespirable et la sortie bien compromise. Que manger dans ces circonstances ? Comme ce virus est clément, en fin de compte !

Notons qu’en ces temps modernes et ne croyant que ce qu’ils voient, c’est l’invisible qui nous terrasse…

J’ai déjà relu une fois toute ma bibliothèque. Pourquoi pas deux puisqu’à chaque fois on ne lit pas les mêmes choses ? Il existe même des livres de quatre mille pages si l’on est à court de lecture…
Est-on seul avec une bibliothèque ?

Et si je ne faisais RIEN pour une fois ? Si je laissais venir le nirvana ou le satori ? Ou que, simplement, « je persiste dans mon être » comme le constate Heidegger ?

Se laisser persister dans son être, voilà ce qui est à apprendre pour commencer…


(29 mars 2020)

 

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