Post-partum

par Margo David

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Huit semaines avec cour, trois avec glycine et toujours le ciel.

Ce confinement a commencé au lendemain des 3 mois du bébé, congé parental prolongé, imprévu. Obligés et pas contraints de devoir tout arrêter pour rester ensemble. Nous y avons pris goût tout de suite, le bébé, son père et moi.

De tout ce que je me suis, un jour ou un autre, dit que je ferai pendant le confinement, je n’en ai pas fait le quart. Deux séries photo à terminer, une à commencer. Un site Internet à mettre à jour. Des centaines de scan en attente, des tirages rangés dans un désordre surprenant, des lignes à écrire. Trois cartons restant de l’emménagement en décembre, à ouvrir et à ranger, un coin bureau à rendre accessible. Des livres à classer, on s’est dit « par nationalité », ajuster la table de nuit. Prendre le temps d’appeler, d’écrire, de répondre à celles et ceux à qui, sans confinement déjà, je pense quotidiennement. Il était question aussi de faire des exercices, courir un peu, faire des abdos et des fessiers. Me muscler le dos, me muscler les bras, rééduquer mon périnée. Regarder au moins un chef d’œuvre par semaine et lire des livres, réduire la pile de bouquins à lire-puis-à rendre.

C’était sans compter sur l’incroyable énergie déployée par un bébé de trois puis quatre mois qui sait que ses deux parents sont là, tout le temps. Ce temps du bébé, qui d’ordinaire n’est pas confiné, ce temps-là a tout rempli. Mon temps est celui du soir, quand le désir de scanner ou d’appeler ont été balayés par une sieste, une sortie dans la cour. Une tétée, à chaque fois pour le bébé comme si la faim était une sensation nouvelle insupportable. Les exercices définitivement arrêtés pour mieux trainer au lit et manger aux heures que le corps décide.

Le soir alors, un documentaire sur Barbara. Je garderais aussi un film, Fitzcarraldo pour le bateau sur la colline, et une lecture, Spartacus. Des podcasts et quelques pépites radiophoniques. Même les applaudissements de 20h je les manque, nous couchons le bébé un peu avant un peu après, 20h en soi n’existe pas. Mais je n’oublie pas que l’État, en ce début d’année encore, gazait et frappait les personnels soignants, urgentistes, pompiers, lors des manifestations contre la réforme des retraites et le démantèlement du service public. Que des professeur-e-s ont tenu grève et battu pavé dans l’indifférence des mêmes qui aujourd’hui leur parle d’héroïsme et de première ligne. Inoubliables également les violences policières, les discours indécents provenant d’un palais, les masques payants. Il y a deux semaines un ami se suicidait, dans une forêt de mon Sud natal, le monde est dur à vivre pour ceux qui l’aiment.

Une idée, celle de Gébé dans l’An 01, on arrête tout on réfléchit.

Gérants d’un bistro à Paris, et face au non renouvellement de cette gérance arrêtée au 1er août ; conscients que nous n’allons pas rouvrir d’ici là, nous nous sommes plongés avec mon conjoint et quelques ami-e-s, dans l’organisation de nouveaux projets de vie. Puisqu’il faut bien compter sur nous-même et la solidarité qui fait force ; transcender la colère de cette gestion politique face à la crise sanitaire et la rendre au centuple, en détermination à vivre libres et décemment.

Le bébé s’est endormi.

Je perds mes cheveux par poignées et quand je suis fatiguée je sombre dans un sommeil profond, quelle que soit l’heure. Au réveil le jour d’après a déjà commencé, le bébé est avec son père dans la clarté rassurante de l’éveil, et demain qu’est-ce qui changera ?