Passe ton oral de bac d’abord !

par Anne Poiré

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Mes élèves s’inquiètent de plus en plus : certains terrifiés, d’autres déconcertés, la plupart sur le qui-vive. Le Covid-19 et le confinement ont eu pour résultat de faire annuler les épreuves du baccalauréat pour les terminales, depuis des semaines déjà. Les lycéens les plus âgés seront évalués sous forme de contrôle continu, en fonction de leurs notes de l’année. De même pour le brevet, en fin de collège. Pour le français, si l’écrit est remplacé lui aussi par la moyenne des résultats annuels, l’oral, d’après notre ministre, est, pour l’instant, toujours d’actualité. Oui, vous avez bien lu : il est maintenu.

Je reçois presque chaque jour des mails de jeunes tourmentés, qui voudraient savoir si, vraiment, fin juin, début juillet, ils vont devoir affronter la fameuse épreuve, nouvelle, puisque c’est une année de réforme, et avec, devant eux, un professeur ganté et masqué. Je fais mon possible pour les rassurer même si moi-même m’en préoccupe, tout en ayant du mal à ne pas leur transmettre ma perplexité. J’étais jusqu’à présent plutôt convaincue qu’on – le président, le premier ministre, le ministre de l’éducation nationale - allait, bientôt, leur annoncer l’annulation de cette épreuve-fantôme. Pourquoi la laisser uniquement en français ? Pour quelle raison « punir » ces jeunes, qui vivent déjà une année particulière (une réforme importante, dont les professeurs n’ont découvert certains aspects et règles du jeu qu’en cours d’année, des E3C, un confinement) ? Ce 6 mai, pour alléger les inquiétudes de L., fort inquiète, je lui ai répondu par un long mail, dans lequel j’ai osé m’amuser, ne voyant qu’une seule justification à notre inexplicable vécu : « Peut-être monsieur Blanquer, le ministre de l’éducation nationale, a-t-il un enfant en première, qui doit rattraper les mauvaises notes qu’il a subies durant toute l’année ? (Je plaisante, bien sûr !) »

La surprise n’est pas venue de notre ministre de l’éducation nationale mais de son supérieur hiérarchique, en quelque sorte. Je dois dire que j’ai éclaté de rire hier, durant l’intervention télévisée de notre premier ministre. Après avoir développé les différents points prévus pour son allocution, M. Edouard Philippe a été interpellé par quelques journalistes. L’un d’eux lui a demandé ce qu’il envisageait de faire avec ses propres enfants, concernant leur rentrée scolaire : les re-scolariser ou pas ? « Tout s’explique ! » J’ai imaginé mon élève, L., découvrant comme moi ce scoop !

Son aîné... est en première.

Bien sûr, ce n’est que pure coïncidence. Il est impossible que ce soit pour ce garçon, exclusivement, que l’épreuve orale, pour l’instant, reste envisagée. Mais cette information, que je n’avais pas au préalable, m’a rappelé le mail que j’avais envoyé à L. et je dois dire qu’elle a balayé tout le reste, je n’ai plus pu écouter avec attention cet échange politique.

Quand serons-nous fixés ? Fin mai, nous dit-on. Les élèves n’ont plus eu de cours, directs, au lycée, depuis le 13 mars... Même les plus sérieux sont tourmentés de cette situation, que l’on maintienne l’oral, qu’on l’annule, et surtout par l’incertitude qui les ronge, ainsi, de semaine en semaine. Je suis très fière des apprentissages que je leur ai concoctés, par mails, vidéos et en visio-conférence, mais ils ne reprendraient, au mieux, qu’en juin, par petits groupes, soit pour une séance ou deux pour chaque élève, et l’oral est annoncé à partir de la dernière semaine de ce même mois. Soyons logiques : n’imposons pas pareille ÉPREUVE à ces pauvres petits.