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Vivre confinés
7 mai 2020

Chronique confinée 8

par Peka


2 mai 2020

Confinement jour 47.

Je me retrouve comme un idiot avec mon carnet sur les genoux, à ne pas savoir par quoi je vais commencer à écrire. Raconter les journées me conduit vite à me répéter. Épiloguer sur mes lectures sur les films vus à la télé est un plaisir un peu narcissique. Mais que pourrais-je écrire d’autre ? Chaque jour ou presque, je lis des articles du Monde, je glane quelques infos quand je peux à la radio, à la télé. Mais j’ai le sentiment d’être impuissant, de n’avoir qu’à me plier aux consignes gouvernementales sans que ma conscience citoyenne ait rien à dire. On nous assure que le vrai courage c’est de s’en tenir aux mesures de sécurité. Je veux bien l’entendre, mais jusqu’à quel point est-ce acceptable ? Il y a quelque chose d’étouffant à vivre ainsi et les perspectives pour l’avenir n’offrent pas de vraie liberté. Je suis de ceux qui voudraient que cette épidémie serve de leçon, mais je crains toujours que ce ne soit pas le cas. La société d’aujourd’hui est trop individualiste. Je vis des aventures collectives avec la poésie, avec l’APA. J’ai cette chance, mais beaucoup s’en tiennent à de faux échanges via les réseaux, à une surconsommation. Quel choc qui n’a pas eu lieu pourrait les empêcher de retourner à cette existence sans invention ?

J’ai continué à m’intéresser à Emmanuel Carrère en lisant des entretiens qu’il a donnés. Il y est à la hauteur de ce qu’il écrit. Il sait parler de son travail, il sait raconter ses livres.

En attendant de lire d’autres livres de lui, j’ai lu La Cliente de Pierre Assouline sans plus d’enthousiasme que Les Invités. Certes l’histoire m’a intéressé, mais pourquoi a-t-il fallu que j’atteigne la page 75 pour qu’elle me donne envie d’aller au bout du livre ? Et qu’aurait fait un Modiano d’un sujet similaire ?

Un exercice ludique c’est celui que je découvre sur Internet et qui consiste à rassembler quelques livres de sa bibliothèque pour en faire une « petite tranche poétique ». C’est un jeu auquel JDS. s’est prêté avec imagination et que j’ai relayé sur Facebook. C’est une façon de redécouvrir nos livres autrement.

 

chronique_confinee8

 

Mais qu’est-ce que je déteste ce « poétique » mis à toutes les sauces ! Je ne suis supérieur à personne parce que je connais assez bien la poésie tant contemporaine que celle du patrimoine. Mais je sais aussi que cette soi-disant collusion de la poésie avec tout ce qui paraît beau, émouvant, larmoyant, attendrissant, est faux et ridicule. La poésie peut dire de belles choses, elle ne peut se réduire à cela parce qu’elle a beaucoup plus à dire. Ce n’est pas une littérature de sentiments, c’est une force de propositions pour un avenir meilleur et renouvelé. J’en mesure les effets durant ce confinement. Tous mes amis poètes sont habités par cette parole et ne se découragent pas, lisent, écrivent. Les éditeurs que je connais se battent pour assurer la pérennité de leur maison au-delà des difficultés présentes et futures, les organisateurs de marchés et de festivals de poésie se battent pour pouvoir reporter au plus vite les dates de leurs manifestations. Rien n’est facile pour ce microcosme dont l’activité et l’économie sont plus que fragiles et ne tiennent qu’à l’engagement de quelques-uns. Le « poétique » dont abusent les médias leur sert à masquer l’indigence dans laquelle ils tiennent la poésie dans leurs journaux. C’est un cercle vicieux : ils prétendent qu’elle ne se vend pas et ils sont les premiers à ne rien faire pour que cette situation évolue, pour lui donner une audience dont mes amis et moi savons par expérience qu’elle correspond à une demande.

*

Dimanche 3 mai 2020

Confinement jour 48.

Parfois je me laisse piéger comme ceux que je critique. Je laisse un message à un proche par courriel ou par SMS et je me surprends à être déçu parce que je ne reçois pas de retour ou pas aussi rapidement que je m’y attendais. Quel idiot je suis !

Ce matin j’ai terminé la lecture du livre de Iakovos Kambanellis Mauthausen, récit de son expérience concentrationnaire de 1943 à 1945. J’en ai fait une note de lecture dans hamamama. C’est un livre qui me marquera. Je sais bien qu’il est impossible de prendre la mesure de ce qu’ont subi les personnes déportées, que nous ne pouvons qu’être en deçà de ce qu’ils ont vécu et que leur littérature nous laissera toujours à distance de cette réalité. Mais quel autre moyen avons-nous de l’approcher, si difficile que ce soit ? Ce livre rejoint une part essentielle de ma bibliothèque.

Je travaille souvent en écoutant de la musique. Aujourd’hui j’ai appris la mort d’Idir à l’âge de 70 ans. Une disparition qui m’émeut profondément. Sa chanson A Vava Inouva est de celles qui m’accompagnent depuis très longtemps et j’ai encore le souvenir du jour où je l’ai vu la chanter dans le parc de Chérioux à l’occasion d’une fête départementale. Homme d’une profonde humanité.

*

Mardi 5 mai 2020

Confinement jour 50.

Ras-le-bol grandissant du confinement. Dans moins d’une semaine, il va s’alléger selon les régions et l’évolution du Covid 19 dans chacune.

Je n’appréhende pas de sortir, mais je ne m’en réjouis pas à l’idée de le faire avec un masque sur le visage, avec le poids des consignes qui pèseront sur mes gestes et mes déplacements en permanence. Ce n’est pas que je ne mesure pas les risques, mais je veux les aborder à ma façon. Être responsable, ce n’est pas ajouter la prison à la prison.

J’ai eu des échanges avec Maman qui commence à trouver le temps long malgré la compréhension qu’elle a de la situation. Dans le lointain de ses 93 ans, quelle perception réelle a-t-elle des événements ? Nous les évoquons, mais sans s’y attarder. Elle préfère me parler avec enthousiasme du tricot qui est devenu la grande affaire de son quotidien, des couvertures en patchwork qu’elle donne à chaque fois qu’elle en termine une. Il lui reste cette serviabilité qui était celle de mon père et de mes grands-parents, pour leur entourage du quartier, de la paroisse de mon enfance, plus tard pour les gens du village où ils surent se faire vite accepter et reconnaître.

 Après Un roman russe, je viens de lire La Classe de neige. Petit roman du milieu des années 90, alors que Carrère s’adonnait encore à la fiction. Mais je n’ai pu m’empêcher de penser que les idées qui traversent le petit Nicolas de son roman, il les a plus ou moins éprouvées lui-même dans sa propre enfance. L’univers oppressant qu’il installe n’a rien d’un jeu littéraire. C’est la traduction d’angoisses éprouvées. Je l’ai perçu ainsi au risque de me tromper.

Ce matin j’ai poursuivi avec la lecture d’un numéro des Moments littéraires qui consacre un dossier à Cécile Reims. Retour à cette femme et, avec elle, à Fred Deux qui m’accompagnent depuis plusieurs années. La puissance de leur imagination, de leur création est telle qu’elle fait basculer dans un univers parallèle qui relève de l’inconscient. J’espère que cet été, nous pourrons circuler assez librement pour retourner au musée de l’Hospice d’Issoudun y voir et revoir les dessins de Fred, les gravures de Cécile, les éléments de leur collection d’objets qu’ils ont donnés. Ar. est en train de lire La Gana que je lui ai offert pour son anniversaire et elle me dit sans cesse le plaisir qu’elle a à le lire. C’est un livre majeur qui devrait être mis en avant de toutes les listes de recommandations de livres à lire.

*

Mercredi 6 mai 2020

Confinement jour 51.

Je lis dans le blog Vivre confinés une contribution de M.D. Pot qui relaie des interrogations à caractère complotiste quant au pourquoi et au comment du confinement. Il y a toujours, et ce n’est pas d’aujourd’hui, des personnes promptes à développer des théories parfois farfelues, des hypothèses fumeuses ou/et furieuses sur le soi-disant mystérieux des événements dès qu’ils sortent de l’ordinaire. Je ne m’y suis jamais associé, mais pour autant n’est-il pas du ressort de tout citoyen responsable de s’interroger et d’aller voir aussi là où le consensus n’est pas mou et aveugle ? On l’a compris ces dernières années avec les révélations qu’a permis l’action des lanceurs d’alerte et il a suffi de voir le sort qui leur était fait pour comprendre leur authenticité. La gestion de cette crise pose et posera des questions. Les taire ne sert à rien comme il ne sert à rien de tirer le fil d’une pelote de soi-disants complots. Le seul secret, c’est celui d’un pouvoir qui sait le poids des mots et les utilise à son avantage faute de pouvoir répondre à toutes les problématiques. En ce domaine, il n’y a pas trop à redire. Si des décisions ont été prises, si parfois des déclarations ont été quelque peu contradictoires, personne n’a osé affirmer posséder une vérité impossible à connaître, à l’exception des pros de la démagogie tous azimuts. Le bilan devra être fait, les questions posées et c’est à cette heure-là que nous saurons quel degré de démocratie est encore le nôtre.

 

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