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Vivre confinés
28 avril 2020

Continuité pédagogique

 

par Anne Poiré


Le jeudi 12 février, comme tout le monde, j’ignorais que M. Macron allait fermer les écoles, l’annoncer dès le soir même. Mais l’atmosphère était telle que j’ai prévenu mes élèves – des Premières, je leur enseigne la littérature - qu’il n’était pas certain que nous puissions nous voir jusqu’à la fin de l’année. Si une décision devait être prise, qu’ils sachent que nous nous retrouverions le lundi matin, à 10 heures, sur l’ENT, l’Espace Numérique de Travail du lycée.

Je n’avais pas prévu, et le ministre de l’Éducation Nationale non plus, visiblement, que des millions d’enfants, d’enseignants, de parents, se connectant tous en même temps, satureraient les réseaux. Le CNED, pour les cours à distance, ne fonctionnerait pas davantage, pour les mêmes raisons. Il nous fut impossible de communiquer par ces biais officiels et nous avons dû inventer d’autres chemins de communication. J’ai heureusement pu envoyer des mails, personnels, à chacun, en me levant dès 5 heures du matin. Certains lycéens m’ont répondu la nuit suivante, vers 2 ou 3 heures, en différé : nous n’avons toujours pas vraiment le même rythme, ces adolescents et moi-même ! J’ai donc privilégié le rapport, direct, téléphoné à chacun de mes élèves, envoyé d’autres messages, afin de conserver le contact. Désormais, j’expédie un cours, copieux, agrémenté de dessins humoristiques et de tableaux en lien avec Baudelaire, Hugo ou Beaumarchais, chaque lundi, et le jeudi nous organisons des révisions sur ce qui a été vu durant l’année. Nous nous retrouvons également en visio-conférence, une fois par semaine. Certains d’entre eux ont demandé du soutien pour les vacances : des exercices en plus. Je crois que mes élèves auront pour la plupart appris l’autonomie, le sérieux, le travail pour soi et non pour les autres durant ces semaines décisives. Ils auront peut-être plus progressé grâce à ce confinement que s’ils avaient continué l’année, sur le même rythme, à subir des cours et attendre le bac en traînant les pieds et bouchant leurs oreilles.

Je reçois de sympathiques messages, comme celui de V., lundi dernier : « Bonjour madame. J’ai réussi à ouvrir votre vidéo. Juste vous dire bonne semaine à vous aussi et j’espère que vous allez bien. Bonne journée ». F., timide et effacé en classe, presque transparent, s’est beaucoup manifesté notamment au début du confinement, m’envoyant des messages quasiment tous les jours. Délicieuses révélations !

 

continuité

 

J’ai eu un travail démesuré, au démarrage, et maintenantque le lien est restauré, que la continuité pédagogique est concrète et efficace, voilà qu’il est question de reprendre les cours « en présentiel », après le 18 mai. Cassons ce que nous avons eu tant de difficultés à mettre en place ! Pas plus de quinze élèves par cours, en respectant les distances, en portant des masques : cette réorganisation suppose au mieux des rencontres très épisodiques... Avec un lundi et un jeudi férié, l’année sera quasi terminée, et on voudrait mettre en péril la santé des parents, des grands-parents, – des profs -, pour quelle efficacité ?

J’oublie de préciser que si, à ce stade, le bac des Terminales comme l’écrit des Premières est remplacé par le contrôle continu, notre ministre affirme jusqu’à présent que l’oral de français est maintenu. Jeudi, lors d’un examen blanc en visio-conférence, j’ai terminé la séance en faisant le test, concret : j’ai enfilé le masque réalisé par les Tissages de Charlieu, en tissu, réutilisable jusqu’à dix fois après lavage à 60°. Horrifiés, les élèves m’ont dit : « On ne va quand même pas passer le bac comme ça ? » Je leur ai répondu que si, bien sûr, et qu’il vaudrait même mieux qu’ils refusent de se rendre aux épreuves si on leur suggérait de les subir sans protection. Malgré les micros, les écrans, la distance, même avec ce masque au demeurant très laid, en plus, ils ont compris mes paroles. Ça marche, donc !

Edmond Dantès, Nelson Mandela, Anne Frank... J’ai pu leur parler aussi d’Isaac Newton, fin mars. Confiné durant la Grande Peste, écarté de Londres par les événements... La catastrophe aurait permis à cet étudiant exceptionnel, privé de cours, de concevoir non seulement la loi de la gravitation universelle, mais d’autres notions, qui ont pu révolutionner la science.

Puissent mes élèves – et les autres - utiliser ce temps pour continuer à mûrir, se construire, et qui sait, peut-être, inventer quelques notions nouvelles...


 

(Dimanche 26 avril 2020)

 

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