Le besoin du toucher
par Brigitte Beaudin
Il nous faut encore respecter les barrières sanitaires, ne plus serrer de mains, ne plus s'embrasser, se caresser, se tenir par la main...
Pendant cette quarantaine, les plus jeunes n'ont pas hésité à se fourrer sous la couette du lit de leurs parents pour sentir la chaleur de leurs corps et commencer leurs journées dans leurs bras.
J'aime me rappeler ma petite fille posant sa tête sur mes cuisses et me caresser le bras avant de s'endormir paisiblement. Merveilleux souvenir aussi que celui de son petit frère assis sur mes genoux pendant un spectacle de cirque, vibrant de tout son corps lorsqu'un numéro le faisait frémir de peur ou d'enthousiasme.
Enfin mon petit dernier nous adressant un sourire lorsque nos doigts effleuraient sa joue manifestant son plaisir de sentir notre peau frôler doucement la sienne.
En remontant plus loin dans le temps, c'est le souvenir de mes enfants se précipitant vers moi lorsque j'allais les chercher à la maternelle et me saisir la main, de peur sans doute que je les oublie.
Ce besoin de se toucher ne disparaît pas avec le temps.
Les résidents des EHPAD ont enfin le droit de voir et d'entendre les membres de leurs familles mais ils doivent tous respecter les gestes barrières. Plus question pour ces derniers de prendre les bras de leurs proches pour les ramener à leurs chambres, de poser la main sur eux pour les soulager, de masser leurs épaules, de monter leurs draps et d'ajuster leurs oreillers, de les quitter en déposant une bise sur leur front.
J'ai eu la chance de ne pas être soumise à de telles contraintes lorsque je rendais visite à ma mère pendant les derniers mois de son existence. Elle ne parlait presque plus, elle entendait mal, elle dormait beaucoup mais lorsque j'ouvrais la porte de sa chambre, elle ouvrait un œil et, dès qu'elle me reconnaissait, elle souriait. Je lui déposais un léger baiser sur la joue, je lui caressais le visage et j'installais mon fauteuil à côté de son lit. Alors, elle me saisissait le poignet et elle caressait mon bras. Le dernier soir où je l'ai vue, elle a incliné la tête vers moi et s'est assoupie, la joue reposant dans la paume de ma main.