Divagations urbaines

par Annie R.

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En attendant de pouvoir, lentement mais sûrement, passer à autre chose… Quelques instantanés et images mentales issus de l’étrangeté de la période actuelle.

Dimanche dernier. Je suis sortie chercher du pain, j’hésite. Devant la boulangerie la plus proche s’allonge déjà une queue décourageante. Je choisis de passer sur le pont, pour aller de l’autre côté de la voie rapide « la Pénétrante », au-dessus de quelques rares véhicules. Effectivement, au « Four à pain », juste une autre cliente. Elle s’attarde un peu avant de se résoudre à partir, envie de causer, elle plaisante sur les deux hommes qu’on aperçoit en train de travailler derrière le comptoir.

Du coup, j’en profite pour zoner un peu dans ce quartier du Kreisker, en montant d’abord la « rue de la Fontaine des Anglais », derrière la fameuse fontaine. Histoire et légende… C’était le 7 octobre 1746, lors d’une des attaques des Anglais sur les côtes de Bretagne, leurs batteries étaient installées sur les hauteurs du quartier. Le conseil municipal était venu leur apporter la reddition de la ville de Lorient, mais une fois arrivés sur les lieux… plus personne, les Anglais étaient partis, avec armes et bagages. C’était le jour où les paroissiens s’étaient réunis pour prier N.D. des Victoires, et par conséquent, dans la légende, le miracle est une explication suffisante.

En haut de la rue de Kerpape, je m’approche d’une belle maison à l’ancienne – un grand jardin, une sobriété de style qui en impose – pour voir le nom qu’on lui a donné. Au moment où je lis « Villa Pax », le temps en souriant de m’imprégner du symbole, un chien surgit de l’intérieur du jardin et m’aboie dessus. En descendant la rue sur le chemin du retour, j’ai médité un moment sur le sens qu’on pourrait donner à cette brève rencontre.

Je suis repassée de l’autre côté de la Pénétrante, les cloches se sont mises à sonner, signes d’un commencement de messe dominicale confinée.  À un moment j’ai suivi la « rue de la Paix ». Sachant ce qu’a subi Lorient pendant la dernière guerre, ici aucune hésitation sur ce que Paix voulait dire. Une rue parallèle à celle-ci s’appelle « rue des Alliés ».

Des noms et des lieux… Dans les rues où je déambule jour après jour, de nombreuses maisons ont des noms, arborés sur les façades. Je me suis amusée à les répertorier. Comme ailleurs sans doute on a beaucoup de prénoms, en simple ou en double, agrémentés souvent, selon les périodes et les quartiers, du terme « Villa », ou des bretons « Ker » (propriété) ou « Ty » (maison, plus modeste) : Rose-Marie, Paule/Georges, Villa Sylvia, Villa Cecilia, Ker-Yvonne, Ker-Arden, Ker-Marguerite, Ker MicLo (Michèle et Loïc, par exemple ?), Ty-Georges, Ty Victoria … On trouve aussi des noms de saints : Villa St Joseph, Villa Ste Madeleine… Le plus surprenant Ker-Giovanni laisse entrevoir une histoire, d’Italie à Lorient, une intégration réussie. Vient ensuite un petit échantillon de noms végétaux : Les Myosotis, Le Palmier, Les Œillets, Villa les Tilleuls… Enfin, les noms programmatiques, autobiographies express ? Pax, Notre Idéal, et mes deux préférés, dont je vous joins la photo : Mes Sueurs et l’italienne Semplicita !

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 (21 avril 2020)