« Merci d’arrêter vos selfies dans vos jardins »
par Catherine Bierling
Lisant la presse parisienne récente, je me sens quelque peu agressée, jalousée, remise en cause par cette phrase d’une journaliste, ainsi que par d’autres réflexions du même type entendues à la radio.
Autre citation qui tendrait à nous donner mauvaise conscience : « Fin mars, près de trois milliards d’habitants étaient déjà confinés, souvent dans des conditions éprouvantes ; la plupart n’étaient pas des écrivains observant le camélia en fleur autour de leur maison de campagne. » (Le Monde diplomatique, avril 2020)
Comme s’il était indécent de constater qu’un lilas fleurit, que des oiseaux chantent, que des arbres verdissent peu à peu.
Ce ne sont pas les virus ni le confinement qui m’ont poussée à observer la nature qui m’entoure. Je fais cela depuis toujours ; même mes écrits d’adolescente regorgeaient de jacinthes, d’alouettes, de soleils couchants… Mon étonnement, mon admiration devant le monde naturel autour de moi ont toujours fait partie de mon être-au-monde. Je suis née à la campagne, j’en reste marquée à vie.
Cela prend naturellement une autre signification au moment où sortir de chez soi devient compliqué, où nombre de gens ne voient que des murs gris face à leurs fenêtres, où la vie dans les grandes métropoles révèle soudain dans son exigüité ce qu’elle peut avoir de néfaste. Effectivement, si nous sommes « égaux devant le virus », nous ne sommes « pas égaux devant le confinement ». (Je cite toujours la journaliste).
Mais, à bien y réfléchir, même « égaux devant le virus » ne me semble manifestement pas juste. Il y a des endroits, des pays où l’on meurt plus que dans d’autres et richesse ou pauvreté se répercutent aussi sur le bilan sanitaire.
Quoiqu’il en soit, j’ai toujours envie de parler des petits êtres vivants qui partagent encore notre environnement, des forêts qui se parent d’un vert tendre et des plantes qui poussent avec détermination. Cela me redonne un peu de courage.
Et je me plais à imaginer qu’il n’est pas totalement inutile de « donner à voir » (un titre de Paul Éluard) ce que j’ai sous les yeux et que d’autres peut-être ne voient guère, faute d’un environnement naturel ou faute d’attention.
J’ai par ailleurs grand plaisir à lire les témoignages variés dans le blog, qu’ils soient citadins ou ruraux, et espère ne pas être « faussement lyrique », comme il l’est reproché dans ce même magazine à certains journaux de confinement, écrits par des personnes connues ou non.
Continuons donc à donner des nouvelles de nos vies confinées et de nos jardins !