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Vivre confinés
7 avril 2020

Avec ou sans contact(s)

 

par Annie R.


Paradoxe.

D’un côté nous sommes exhortés à surtout éviter les contacts. Certains font de cette sage précaution une phobie délirante. On en voit dans les rues qui, nous apercevant à dix mètres, font un saut de quatre mètres de côté, changent de trottoir alors même qu’il y avait largement la place de se croiser gentiment. Sans compter ceux ou celles chez qui la simple vue d’un visage souriant, mais non masqué, provoque un détournement de mépris réprobateur.

Même sans ces excès, il faut bien reconnaître que le sans contact s’est imposé peu à peu dans nos vies, du paiement par carte bancaire au salut de loin aux voisins et connaissances. Au début il y avait un côté rigolo, un jeu enfantin, un clin d’œil – se saluer par exemple à la chinoise, comme dans les cours de taiji, repenser au salut mains jointes des acteurs cambodgiens rencontrés aux Francophonies de Limoges… pendant que d’autres prônaient les coups de pied ou de coude virils… C’est si loin, déjà, tout ça.

D’un autre côté… nos « contacts » virtuels se multiplient, s’élargissent, occupent le temps et l’espace de nos vies confinées. De vieux copains nous téléphonent, nous envoient de vieilles photos de nous qu’ils ont retrouvées en faisant, enfin, leurs rangements. Ceux à qui nous relayions les pétitions, et qui faisaient de même pour nous, échangent maintenant des photos de chez eux ou des chansons revigorantes, des liens sur des œuvres d’art, des livres, des articles de journaux, des émissions scientifiques, des poèmes. Un message, un lien, une vidéo, des blagues, que l’on envoie à nos contacts, sont retransmis à d’autres. Nous redécouvrons nos contacts, nous les réactivons. Et encore… chez moi, nous nous tenons à l’écart des « réseaux sociaux », cette sociabilité virtuelle dévorante et virale. Mais partout, on a l’impression que tout le monde est en contact avec tout le monde, tout le temps. Ce qui est la base la plus facile pour une pandémie, virtuellement répandue celle-là, mais bien réelle. Préparons-nous à l’invasion accélérée des idées liberticides dans les cervelles fragilisées. Fortifions nos résistances humaines.

Les contacts avec ceux ou celles que nous aimons nous manquent, c’est certain. Il y a des tas de gens avec qui je pourrais garder à perpétuité mes distances, sans problème ! Mais tous les autres qui me sont chers et non confinés avec moi… Et j’avoue une grande émotion devant vos témoignages, et d’autres, concernant les vieux parents. Ma maman à moi est décédée, dans un EPHAD, il y a plusieurs années. Quand je pense qu’elle était par moments dans une grande confusion mentale, mais nous reconnaissait immédiatement et avec joie en nous voyant, que par ailleurs sa totale surdité empêchait de lui téléphoner… Alors ? Faut-il mettre toute l’énergie dans le traitement médical, sans se préoccuper du reste, ou bien explorer au maximum les moyens les plus sécurisés possibles de garder le contact physique, malgré tout ?

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À part ça ? Je continue « encore et encore » à marcher, regarder, sentir le printemps, photographier les rues vides, les coins de verdure, les maisons colorées. On se dit que c’est bon pour la santé, qu’on en a besoin, et qu’en plus cela fait une distraction. Même si on ne rencontre pas grand monde. À vrai dire, on s’en félicite, en espérant que les raisons sanitaires qui justifient ce sentiment aujourd’hui, une fois devenues obsolètes, ne nous auront pas contaminés d’une misanthropie durable. J’avoue que ces lieux urbains presque déserts ont un charme indéniable. Mais à d’autres moments, quand même, ça fout l’angoisse…

J’ai fait, samedi dernier, le grand tour pour acheter mon pain, dans une autre boulangerie que celle dont j’ai déjà parlé – nous avons, luxe incroyable, plusieurs boulangeries favorites. On attend dehors, à bonne distance. On rentre un par un, mais pourtant la boulangère fait signe en levant deux doigts. Comme quoi, on est prudents. À mes questions elle répond gentiment : « Ça va, on tient, il faut bien, on prend des cachets »…

Il y a des moments où on hésite à demander comment ça va. Mais cela vaut mieux quand même.

Gardons le contact.

 

 

 

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