"Y'avait une ville..."
par Alice Bséréni
On entend les oiseaux. Les rues sont propres. Nul vrombissement dans le ciel. Un silence insolite, dense, compact. Les devantures parasites qui mangent sur la chaussée restent closes. Quelques silhouettes croisées de loin ou évitées. Les bourgeons ont éclos. La terre est au repos. Les fruitiers bruissent déjà d’abeilles et de bourdons. On entend les oiseaux, gazouillis insistants, joyeux, le ciel leur appartient, on reconnait le merle, il appelle sa belle, dessine son territoire. Les moineaux traquent les miettes, ils risquent d’en manquer. Les pigeons suivent à la trace le moindre promeneur. Les chiens attendent leurs compagnons de jeux, les maitres pressent le pas. Quelques joggeurs indifférents. Silhouettes effacées de quelques rares touristes. En boucle dans ma tête, la chanson de Colette Magny, "Y’avait une ville, et y’en a plus". Ou encore le tango étrange et discordant de Kurt Weill, "Youkali", chanté par Marion Rampal.
Colette Magny en 1975 (image Wikipedia)
Boutiques et rideaux clos. Pas même une trottinette, quel repos ! Même pas un vélo, on marche dans la rue en toute sécurité. Même pas une auto, on respire enfin mieux. Même plus de panneaux publicitaires, on semble avoir retrouvé la raison. Une ville déserte, l’agitation s’est tarie, la frénésie s’est éteinte, il est grand temps de revenir à l’essentiel.