Batignolles
par Marie-Claire H.
Mes quatre mille pas journaliers réglementaires m’ont conduit dans le nouveau quartier des Batignolles. Après dix ans de travaux il est terminé. Plus de grues. Des bâtiments de dix ou douze étages. Mon ami architecte affirme qu’avec le même investissement on aurait dû faire beaucoup mieux. Je suis peut-être bon public, je trouve que c’est plutôt une réussite avec une grande variétés d’architectures, pour loger quelques 15 000 personnes quand même.
Mais, ce jour-là, hier, les nouvelles rues étaient vides. La rue Rostropovitch avec des trottoirs de 8 à 12 mètres de large. Les immeubles sont de verre et d’acier, une crèche à la façade en bois rompt la froideur des façades. On n’est pas en France, on n’est pas en Amérique, on est dans quelque chose de nouveau. Le long de cette vaste rue s’alignent des cafés et restaurants tous fermés par des baies vitrées immenses. Ce qui est impressionnant : les strictes rangées de chaises et de tables, tout un matériel neuf, les sièges, les tables, les banquettes impeccablement propres, pas une égratignure, pas une tache, pas l’ombre d’un mégot ou d’un papier traînant. L’ensemble est un décor, une mise en scène où l’on n’a pas encore commencé à tourner le film, où la vie ne s’est pas installée. Le vent y souffle avec un sifflement puisant, inattendu parce que dans le quartier voisin il n’y a aucun vent. À quoi ont pensé les architectes ? Une voiture passe. Un enfant rit. Un, pas deux.
Je retourne dans mon « vieux » quartier. Il n’y a plus de vent, quelques personnes prennent le frais à leur fenêtre, je marche sur la chaussée, en plein milieu puisqu’il n’y a pas de circulation. Je peux facilement ainsi garder distance sociale prescrite avec mes rares collègues marcheurs.
À pied, du centre d’une rue de Paris, on a une tout autre perspective c’est évident, une toute autre impression avec les faux les alignements, les ruptures, les variations de hauteurs, les balcons irréguliers. La ville est belle vue du centre de ses rues. L’autre, la nouvelle ville aussi, mais il faut s’habituer à sa froideur. Quelle que soit sa ville, pendant le court moment volé au confinement, c’est sympa de marcher au milieu des rues.