Avant et maintenant

par Françoise B.J.

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Je n’ai pas trop le moral. Je n’arrive pas à écrire

Tout autour de moi la nature renaît, tout est en fleurs, tout est calme. Le soleil brille. Le ciel est bleu, sans aucune trace d’avion. Il n’y a presque plus de voitures…

De la fenêtre de mon bureau je vois la digue qui longe un bras de la Düssel, une petite rivière canalisée qui se jette dans le Rhin. Sur la digue quelques personnes (de moins en moins) passent : un couple, une femme avec un chien, un homme avec un landau et un enfant, un cycliste… Je pense au poème de Rimbaud Le dormeur du val :

C'est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil de la montagne fière,
Luit : C'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

A mille mètres d’ici il y a la clinique  universitaire avec la station intensive, avec le personnel soignant autour des malades de plus en plus nombreux.

On nous dit « vous êtes utiles en restant chez vous ». Mais je me sens inutile. Si j’étais jeune, j’essaierais peut-être de faire quelque chose, ne serait-ce qu’aider à faire la récolte.Je suis dans le groupe à risques, mon seul devoir est d’éviter les contacts directs…

Avant, je ne sortais pas tant que cela, finalement je menais le même genre de vie mais d’une part ce n’était pas une obligation et j’avais malgré tout des activités en groupes, des rencontres avec amis et famille, des voyages, des projets. D’autre part, malgré les nombreux problèmes du monde auxquels je m’intéressais, j’avais l’esprit libre pour mener les activités qui me plaisaient.

Certes, je critiquais bien la société dans laquelle on vivait, j’avais conscience de la mauvaise organisation du monde et de la nécessité de faire quelque chose, mais je déléguais cela aux politiques par mon bulletin de vote et aussi aux jeunes qui commençaient à se mobiliser. J’essayais aussi de changer mon mode de vie, ne plus prendre ni la voiture, ni l’avion, acheter bio… etc. Mais cela s’arrêtait là.

Mon but c’était donc d’écrire ce qui me tenait à cœur avant de mourir. Et tous les matins je faisais ce que j’appelle mes écritures autobiographiques.

Depuis l’arrivée du coronavirus en Europe, je n’y arrive plus. Je ne pense plus qu’au malheur qui s’est abattu sur le monde entier. Dès mon petit déjeuner le matin, j’écoute la radio (française) puis je lis le journal allemand, je continue à m’informer avec la télé et Internet…

Nous avons décidé de nous promener le matin car il y a moins de monde.

L’après-midi je lis (j’ai bien du mal à me concentrer sur un livre), je regarde quelquefois un film sur Arte. Hier c’était Piège à minuit (Midnight Lace, 1960), film américain de David Miller. C’est ce qu’on appelle un thriller. Suspense et frissons de la peur. Et puis quand le film a été fini, j’ai retrouvé la réalité bien pire que toutes les fictions.

L’après-midi je téléphone à mes amis, à ceux de ma famille. Nous parlons longuement. Nous avons besoin de communiquer.

Hier une amie m’a dit : qu’est-ce que cela fait du bien de se parler…

Je me rends utile en communiquant, cela me fait du bien et cela fait du bien à mes interlocuteurs.

Le blog aussi, je crois qu’il fait du bien à quelques personnes…

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 27-3-2020

Comments

[Bernard M]

Courage, chère Françoise. Essaie de ne pas te laisser envahir, notamment par les infos continuelles. Nous avons pour notre part sérieusement ralenti le suivi de l'info et on s'en porte mieux. Un peu la radio le matin, les articles de fond dans le journal mais pas suivre le détail des courbes, les live et autres infos en continu.

Et oui le blog est bienvenu : pour moi en tout cas, écrire, vous lire, fait du bien.