Pour ou contre les journaux de confinement
Il y a pas mal d’articles ici ou là qui brocardent les journaux de confinement.
Par exemple Pierre Assouline dans La République des Lettres, comme l’avait déjà signalé Elizabeth dans un récent billet, qui veut bien encore que nous lisions, mais qui nous adjure de ne pas écrire. À bas les « journaux de confinement » que « l’on voit partout fleurir, chacun se croyant unique dans sa petite montagne magique » et déversant « son lot de lieux communs, de poncifs, de niaiseries d’un égocentrisme naturel et d’un narcissisme pathétique. » C’est le vieux mépris à l’égard de ce qui relève de l’écriture autobiographique ou du journal personnel.
Ou encore dans l’article de Mathilde Serell, sur France Culture qui pointe un autre aspect, plus recevable à mon sens, évoquant le fait que ceux qui écrivent, outre les écrivains patentés éventuellement sollicités par leurs éditeurs, sont plutôt de braves bobos et pas les personnes qui souffriront le plus de la situation. Dans le même esprit mais avec le sourire en plus voyez la joyeuse chronique de ce matin sur France-Inter de Marie-Agathe/Charline.
Mais ça n’interdit pas de le tenir pour qui veut. Pour le simple plaisir de le faire pour qui aime écrire, c’est une bonne raison non, n’en déplaise à Monsieur Assouline. Et de le partager auprès d’un micro-lectorat sans s’imaginer qu’on va écrire La Montagne Magique ni non plus qu’on va chercher une quelconque notoriété à travers cela. Et pour celui aussi, d’avoir et de donner au travers de ce partage des nouvelles à ceux que l’on connaît, notamment ici avec notre petit cercle d’apaïstes (je ne commente que rarement vos billets parce que sinon on s’y noie, vieille expérience de blogueur d’autrefois, mais soyez-en sûrs, je vous lis tous avec plaisir et intérêt).
Et puis parce que, au travers de nos témoignages - ici et dans bien d’autres lieux - se constituera une mémoire de l’événement extraordinaire que nous traversons, inédit à l’échelle de nos vies, une mémoire qui sera celle de tout un chacun, pas seulement des spécialistes ou de personnalités, bref de ceux qu’à l’APA nous appelons les « personnes ordinaires » ou les « personnes sans notoriété », issus de milieux géographiques et sociaux divers et même si bien entendu nous savons - et là on retrouve ce qui est juste dans l’article de Mathilde Serell - que les milieux culturellement favorisés y sont surreprésentés.
Il peut y avoir une autre réserve et celle-ci je l’ai rencontrée plutôt dans des échanges de mails avec des amies apaïstes toulousaines. L’écriture, oui, mais plutôt dans le confinement (tiens !) du cahier personnel en choisissant d’en partager éventuellement certains éléments uniquement avec des personnes choisies. Pour écrire sans être sous le regard d’autrui en se disant qu’ainsi on sera au plus près de sa vérité intérieure et pas tenté d’édulcorer ou de prendre une posture. Quitte, plus tard, en décalé, lorsqu’on se sera éloigné de l’événement, à le déposer auprès de l’association comme un témoignage parmi d’autres. Je comprends tout à fait cela même si moi je fais un autre choix.
Que chacun obéisse à l’injonction de se confiner mais que, pour y faire face, chacun se sente libre d’adopter les activités qui lui conviennent et se moque, pour le coup, de toutes les culpabilisations ou injonctions qu’on voudrait lui faire, que ce soient celles d’écrire ou celles de ne pas le faire…
Bernard M, lundi 23 mars, 22 heures