Journal en Eure-et-Loir

16 mars 2020

Discours du Président, un deuxième après celui de jeudi qui nous annonce « des larmes ».

Ce soir grand coup sur la tête. Je suis assommée. Optimiste incorrigible, je n’y croyais pas… CONFINEE. J’ai une journée pour réfléchir : rester dans ma maison avec son grand jardin mais seule ou aller à Paris dans un appartement confortable que nous gardions pour nos vieux jours, mon mari et moi.

Je suis seule car il est décédé le 10 novembre dernier, quatre mois déjà et j’étais loin de m’habituer à la solitude. J’avais repris depuis peu des activités à notre université du troisième âge – qui me faisaient retrouver quelques « camarades de classe ». Tout va s’arrêter. Le peu de vie sociale que j’avais va disparaître. Les amis de ma génération ont presque tous disparu ou sont malades.

17 mars

Coup de fil de mon médecin référent avec qui j’ai rendez-vous : « Ne venez pas, les pharmaciens peuvent renouveler les ordonnances. Si vous avez de la fièvre, téléphonez-moi, n’allez pas aux urgences.  Je réfléchis longuement : aurai-je à Paris un médecin que je connais depuis des années. A 86 ans je ne suis pas un « bon cas ». Je dépends de Pompidou et j’ai déjà fréquenté le service d’urgence. Impeccable d’ailleurs mais déjà en voie de saturation. J’ai trois enfants à Paris et sept petits-enfants – et même un arrière-petit-fils de 7 mois mais je ne pourrai pas les voir. Ce serait dangereux pour tous.

Donc je vais rester à Tréon. J’y ai voté dimanche avec un vieux masque et les mains désinfectées. Le processus était contrôlé, parfaitement sécurisé dans la grande salle de la mairie mais les Tréonnais, dans la queue - où ils ne respectaient pas les distances obligées, m’ont consternée par leur manque de discipline et leurs réflexions : c’est la faute au gouvernement qui aurait dû fermer les frontières immédiatement. Yaka, focon….

18 mars

En me cognant la jambe hier, j’ai réveillé une vieille plaie qui saigne beaucoup. Bêtement j’y ai mis du coalgan pour diminuer le saignement. La plaie est collée, pas belle à voir. Je prends ma voiture pour aller à la pharmacie et j’aperçois notre gentille infirmière. Je m’arrête et (à 5 mètres) lui montre ma jambe. Elle viendra demain à 4 heures me refaire un pansement correct. Devant la pharmacie, il y a 6 personnes bien espacées qui font la queue. Je me mets sur ma canne-siège. Il ne pleut pas, heureusement. A Tréon, on a deux médecins, deux infirmières, un boulanger et une pharmacie. C’est déjà bien.

19 mars 2020

Cafard au réveil ce matin. Je regarde tous les soirs « C’est dans l’air » et France Info. On est dans une situation vraiment grave…  Partout dans le monde. En Italie si proche de nous. Les vies sont bouleversées.  Mes enfants travaillent presque tous chez eux et heureusement ne prennent pas le métro.  Mais ils ne renoncent pas à dîner entre cousins. Ils me téléphonent ou me « whatshappent » sans cesse. Les vieux amis éloignés et solitaires aussi.

Je n’ai pas le droit de me plaindre, mais j’ai ma grosse poubelle verte à sortir et mon raidillon est… raide. C’est la poubelle qui doit servir à faire du compost : ça pue ! Je suis en train de la regarder dubitativement quand j’ai un coup de fil de mes gentils et jeunes voisins : peut-on faire quelque chose pour vous aider ?  Je leur dis oui tout de suite.

Livraison du gendre de mon employée… le moral remonte. J’ai enfin des yaourts ! C’est drôle comme un yaourt peut vous remonter le moral. Je ne regarde plus le nombre des victimes. Je ne compte plus les semaines qu’il a fallu aux Chinois pour sortir de la pandémie.

Mais cela va être dur de tenir : 15 jours je n’y crois pas. Je me fixe sur 6 semaines… J’ai des réminiscences de 1939, la déclaration de guerre. Le départ de Papa, la maison qu’on avait laissée et les gens sur les routes.  La vie bouleversée…

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Maggy