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Vivre confinés
21 mars 2020

Intégrer l’interdit


Ça se tend j’ai l’impression. Ou plutôt, les gens rentrent de plus en plus psychologiquement dans le confinement. Quand j’ai sorti mes pièces, la boulangère m’a fait une drôle de tête et m’a dit : « essayez d’apporter une carte demain, je ne voudrais plus manipuler du liquide ». Je la comprends. Elle a raison. OK, ça sera la carte demain…

On intègre aussi l’interdit. Y compris dans ces aspects les moins compréhensibles. Les petites promenades « pour s’aérer », ce doit être en solitaire et à proximité du domicile sans avoir à prendre la voiture. Ça, j’ai du mal à comprendre. Quel serait le problème pour un couple voire une famille qui vit de toute façon ensemble de se promener de conserve ? Et de faire dix kilomètres de voiture pour aller dans une forêt où il n’y aurait sûrement personne, encore moins (quoique ce soit difficile !) qu’en faisant le tour du boulevard qui ceinture le centre de la ville ? Là on a l’impression que c’est clairement pour mettre la pression, créer un petit surplus d’angoisse. Il est vrai que certaines scènes vues de gens se retrouvant massivement dans des parcs ou sur des plages très courues peuvent expliquer la réaction des pouvoirs publics. Mais enfin les hauteurs perdues de la Montagne Noire, ce ne sont pas la Croisette ou la Promenade des Anglais… Toujours est-il qu’on intègre l’interdit, même celui qui parait irrationnel, on n’a pas eu envie de s’éloigner et ce n’était pas que la peur du gendarme.

Donc maison, maison… Article pour La Faute à Rousseau sur les livres-navette. Pas mal de temps aussi sur la préparation de l’AG, enfin la consultation par mail qui en tiendra lieu, préparation des documents nécessaires, des courriers.

Beau temps toujours. Alors on se met de temps en temps à la fenêtre, on l’ouvre grand, on regarde la place, les quelques pékins qui passent, jamais je n’ai autant regardé par ma fenêtre ! Enfin demi beau temps seulement. Car il y a du vent. C’est le pays de cocagne ici, c’est bien connu. Sauf quand il y a le vent d’autan ! Côté place, c’est un peu abrité, par la maison justement, mais côté jardin, on se le prend en pleine face. Il faisait doux à se mettre dans le jardin pour déjeuner mais ça n’a pas été possible, trop de vent.

Mais comment se plaindre cependant ? Car il y a décidément confinement et confinement. Je repense à mes Parisiens coincés dans leur petit appartement.

En fin d’après-midi, le vent était un peu tombé. Je suis retourné au jardin et j’ai repris un travail qu’on a attaqué depuis quelques jours. Au fond du jardin, on laisse un peu les choses à l’état sauvage. Il y a un rang de figuiers longeant le mur qui nous sépare de la place de la Mairie. Et puis des noisetiers un peu sauvages qui ne produisent rien du tout, des lauriers qui poussent de partout sans qu’on ne sache d’où ils viennent et puis du lierre, du lierre, du lierre…  On ne s’en est guère préoccupé toutes ces dernières années, on s‘est juste contenté d’éliminer au fur et à mesure les extensions trop envahissantes, sur le mur mitoyen de la place de la Mairie, sur la petite maison du fond du jardin où il atteignait la toiture…

Là j’essaie de le réduire de façon plus drastique. C’est impressionnant ! Au-dessus du mur il y a au moins 50 cm d’épaisseur, 20 cm environ de bois entrelacés surmontés de 30 à 40 cm buissonnant et feuillu.

A la cisaille je coupe un maximum de l’entrelacs de branches et branchioles, essayant de désolidariser les bouquets les uns des autres, je joue d’effets de levier et de torsion, je tente la scie sur les branches plus importantes - certaines ont plusieurs centimètres de diamètre – lorsqu’elles ne sont pas trop intimement imbriquées dans la tuile. Je dégage aussi l’espèce d’humus qui s’est formé au milieu des branches.


P1010695 (Copier)


Peu à peu le sommet du mur est nettoyé, laissant apparaître nombre de tuiles brisées ou soulevées par les puissantes ramures. Il est sûr que du point de vue de la préservation du bâti, notre insouciance passée n’était pas très judicieuse. Mais c’était beau aussi cette coupole de verdure sauvage tout au long du mur. Et puis je vois les mondes que je détruis : il y a plein d’escargots, des tas de petites araignées aussi et toutes sortes d’autres bestioles j’imagine, trop petites pour que je les vois. Il est extraordinaire, au fond, ce lierre ! Depuis la lecture de La vie secrète des arbres, j’ai un autre regard sur le végétal et j’ai ressenti là, tout en étant satisfait de l’avancée de mon travail, une pointe de tristesse pour ce que je détruisais. Mais un sentiment d’humilité aussi. Quel puissance ce végétal, capable à l’échelle de nos vies, de phagocyter et d’absorber nos plus solides constructions humaines. Me revient en tête l’image de la maison du banyan à Taïwan…

P1010190 (Copier)

Maison du banyan, Taïnan, Taïwan, mars 2018


Bernard M, vendredi 20 mars, 23 heures.

 

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